Résumé
Dans le but de mieux comprendre la polysémie de l’expression crimes contre l’humanité, cet essai esquisse une généalogie des crimes contre l’humanité en relatant certaines transformations historiques qui ont imbu l’expression de son pouvoir de dire. Cinq transformations y sont soulignées : le déplacement par l’homme de Dieu comme fondement du droit lors de la Révolution française, la transformation de la catégorie médiévale du tyran en criminel contre l’humanité par le biais du procès de Louis XVI, la transformation de la guerre en crime contre l’humanité suite à la dissolution du droit public de l’Europe en droit international, l’émergence d’un droit humain ancré dans la solidarité humaine et permettant l’intervention humanitaire, et la transformation de la charité (amour de Dieu) en humanité ou philanthropie (amour de l’homme) sousjacente à la transformation du droit de la guerre en droit humanitaire. Ces cinq transformations historiques démontrent que la réduction de l’« homme » à un « homme naturel » rend possible l’articulation des crimes contre l’humanité. En effet, comme le suggère Arendt, il y a une possibilité, consternante, que le discours portant sur l’humanitaire et les droits de l’homme soit un miroir rhétorique et conceptuel de l’expérience des camps de concentration, expérience qui a réduit l’homme à un simple spécimen d’une espèce.
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